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15 novembre 2020 7 15 /11 /novembre /2020 20:10

Hildegarde de Bingen, bénédictine, visionnaire,

écrivaine, musicienne, spécialiste des plantes,

une femme géniale

Plus de huit siècles après sa mort, cette femme est encore mal connue. Elle n'a été oubliée pendant longtemps que parce qu'elle était trop géniale pour être comprise... et parce qu'elle était femme sans doute.  Sa vie et son oeuvre contredisent tous les préjugés sur la femme au Moyen Age et montrent comment une femme de cette envergure put non seulement se permettre d'intervenir dans la politique de son temps, mais encore de révolutionner les arts et faire progresser la science.

Elle est aussi médecin, son double don de voyance et de guérisseuse en fait l’un des plus renommés de son temps. Sa médecine combine des éléments savants de grands auteurs, et des ressources locales de médecine populaire. En ce domaine, ses ouvrages sont au nombre de trois :

Liber divinorum operum simplicis hominis

ou Livre des œuvres divines, est un mélange de théologie et de philosophie naturelle, où elle expose ses idées en visions cosmiques. L'organisation de l'univers et la nature de l'Homme ont pour origine commune la création divine. Les deux ne peuvent être séparés, de grandeur différente, ils ont été construits selon les mêmes proportions. Un principe d'analogie universelle fait de l'Homme un petit monde dans le grand (microcosme dans le macrocosme).

Physica

ou De la nature, est une description peu ordonnée de plantes et d'animaux. Elle décrit près de 300 plantes, la plupart selon une observation personnelle, 61 sortes d'oiseaux et autres animaux volants (chauve-souris, insectes…), et 41 sortes de mammifères. Les exposés visent un but thérapeutique, et Hildegarde indique les remèdes qui peuvent être obtenus à partir de chaque plante ou organe animal. Ce texte appartient plus à l'histoire de la médecine populaire qu'à l'histoire des sciences naturelles.

Hildegarde de Bingen utilisait ainsi tout ce que la nature pouvait lui offrir en matière de traitements : les simples, mais aussi les minéraux.

Elle attribue ainsi des vertus protectrices, curatives, prédictives, purificatrices aux minéraux suivant en cela des pratiques antiques, fondées sur un symbolisme magique et religieux. Dans la mentalité médiévale, le divin et le magique ne s'excluent pas. « Il n'y a pas de jugement de valeur ni de classement hiérarchique : toutes les vertus sont présentées sur un axe horizontal qui vise à accumuler le savoir, et non à le trier ou à le jauger ».

Les Causes et les Remèdes débutent par un exposé sur la théorie des humeurs. Hildegarde se serait inspirée de Constantin l'Africain, et à travers lui, des médecins antiques comme Hippocrate, Galien ou Dioscoride, ainsi que des médecins arabes.

 
Sainte Hildegarde de Bingen, représentée sur une toile à la Basilique Saint-Pie X de Lourdes.

Elle conçoit la théorie des quatre humeurs non pas comme des liquides organiques, mais comme des ensembles de tendances, de prédispositions et de réactions morbides, sur un double plan physique et spirituel. Elle applique cette théorie à la création de l'homme par Dieu, à partir de l'eau et de la terre. Le créateur aurait d'abord créé la forme extérieure de l'homme, puis a comblé le vide par des organes. Hildegarde reprend l'idée d'Aristote selon laquelle le cœur est le siège de l'âme et du principe de connaissance. Elle s'intéresse ainsi à la mélancolie, qu'elle voit dans l'histoire de l'Homme comme une conséquence du péché originel chrétien : « Au moment où Adam a désobéi à l'ordre divin, à cet instant même, la mélancolie s'est coagulée dans son sang ».

Hildegarde ne propose pas seulement de soigner les corps, elle veut avant tout guider les âmes, régénérer l'esprit : "Le corps est l'atelier de l'âme où l'esprit vient faire ses gammes."

Au milieu de nombreuses pratiques infondées reposant sur des croyances, on trouve des affirmations intuitives qui s'avéreront vraies plus tard, notamment sur la physiologie humaine (le sang circule dans le corps), ou comme l'affirmation que la Terre tourne autour du Soleil, placé au centre du monde, que les étoiles fixes sont en mouvement.

La médecine populaire allemande tient aussi une large place. Hildegarde fusionne des éléments multiples et variés : médecine savante et populaire, Ancien Testament et Foi chrétienne, philosophie antique et début de la scolastique.

(Wikipedia,, Père Pierre Dumoulin.)

 

HILDEGARDE DE BINGEN, LES PLANTES MÉDICINALES ET LE JUGEMENT DE LA POSTÉRITÉ : POUR UNE MISE EN PERSPECTIVE (extraits)

Par Laurence MOULINIER

L’abbesse allemande Hildegarde de Bingen (1098‐1179) composa une encyclopédie naturelle, connue aujourd’hui sous le nom de Physica, dans laquelle l’univers des plantes occupe une place très importante : le monde végétal apparaît de fait comme ce que Hildegarde connaissait le mieux, au point que certains critiques se demandent si l’actuelle Physica n’était pas initialement un herbier, auquel seraient venus par la suite s’ajouter d’autres “livres”, à contenu zoologique ou minéralogique. Gros de deux cent trente chapitres consacrés à autant de plantes dans l'édition publiée par Migne, le Liber de plantis, première section de la Physica, reflète un savoir botanique étendu, qui fait de nos jours l’objet d’un mouvement de redécouverte enthousiaste. La condition de moniale, puis d’abbesse, de son auteur est sans doute à l’origine d’un tel savoir : le monastère bénédictin n’allait pas sans jardin, et l’œuvre de Benedictus Crispus ou de Walahfrid Strabo montre bien que le cloître était dès le IXe siècle un lieu privilégié pour l’acquisition de connaissances sur les vertus des plantes. Hildegarde manifeste toutefois un savoir pharmaco‐botanique qui dépasse le cadre somme toute assez étroit du jardin du cloître ; quoi qu’elle en dise, l’abbesse eut de toute évidence des lectures, qu’elle avait soin de cacher pour donner un traitement original de ses sources. Certaines de ses connaissances scientifiques ou médicales sont donc à mettre au compte de ses prédécesseurs ; mais il n’est pas exclu pour autant que Hildegarde ait eu recours à l’observation personnelle. Reste à déterminer dans quelle mesure, et à tâcher de voir si toutes les innovations qu’on lui prête aujourd’hui – et avec quelle admiration ! – dans le domaine de la pharmaco‐botanique, sont réellement à attribuer à Hildegarde : par sa matière même, la Physica originelle se présentait comme une œuvre ouverte, propice aux ajouts et aux interpolations, et certaines informations qui y sont contenues, apparemment radicalement nouvelles pour l’Occident du XIIe siècle, ont fort bien pu y être portées au XIIIe, voire au XIVe siècle, par des continuateurs de l’œuvre de Hildegarde.

Observation et médication

L’environnement local occupe une place importante dans la “science naturelle” de l’abbesse, ce qui est particulièrement sensible dans l’évocation de plusieurs fleuves d’Allemagne et de différents types de poissons, et surtout à propos du monde végétal : on a écrit que Hildegarde “élargissait l’univers botanique européen lui‐même”, par ses observations de nouvelles plantes indigènes, et il est vrai que les plantes sauvages locales dominent largement le Liber primus, remarquable par le nombre d’espèces qui y sont désignées dans la langue vernaculaire ; ce recours au vieil‐allemand milite apparemment en faveur d’une forte représentation d’un univers local, et cette idée est confortée par les nombreuses médications à base de suc ou de feuilles fraîches préconisées par Hildegarde (ou inversement, par les substituts qu’elle propose en période hivernale), qui impliquent que les plantes devaient pouvoir être cueillies sur place.

Hildegarde se situe en effet dans une perspective médicale. Elle énonce certes d’abord la valeur nutritive des plantes, voire leurs emplois magiques possibles, mais c’est leur utilité pour la médecine qui la retient au plus haut point, et c’est en général un jugement sur la valeur de la plante dans cette optique qui conclut chaque chapitre. Bien qu’elle ne cite aucune autorité et ne mentionne qu’en deux endroits les " médecins ", Hildegarde eut des lectures, et un savoir empirique dont il est difficile de faire la part côtoie dans son œuvre des informations puisées, directement ou non, à des sources très différentes : outre la Bible, elle s’inspire manifestement d’Ovide, de Pline ou de Virgile, du Physiologus et d’Isidore de Séville, mais aussi d’écrits strictement médicaux, comme ceux de Vindicianus ou certaines œuvres liées à l’Ecole de Salerne, y compris les traductions de Constantin l’Africain.

Les sources d'inspiration diverses d'Hildegarde

Elle semble également connaître le premier de ses devanciers allemands en matière de botanique : plusieurs endroits de la Physica s’accordent avec l’Hortulus de Walahfrid (†849), qui chantait pour sa part les louanges des vertus thérapeutiques de 23 plantes recommandées par le Capitulaire De Villis, montrant ainsi sa familiarité avec de nombreux auteurs médicaux anciens tels Dioscoride, Pline, Galien, Celse, etc. Comme lui, Hildegarde vante les vertus de la rose, recommande l’emploi du marrube pour lutter contre la toux, le mal de gorge et en cas d’entrailles malades, et préconise une médication à base de rue “si quelqu’un a mangé quelque chose qui le fait souffrir” ; elle estime de même aussi que le fenouil est souverain dans les maladies des yeux, tient le melon pour une plante froide, et conseille le cerfeuil contre les douleurs de la rate, là où Walahfrid louait son efficacité contre les maux de ventre ; comme lui encore, elle distingue plusieurs variétés de menthe, dont elle différencie nettement le pouliot, comme tous les auteurs du Moyen Age. Le pouliot est une véritable panacée, pour Walahfrid comme pour Hildegarde — qui estime que cette plante contient en elle les vertus de quinze autres “herbes” — et tous deux la recommandent pour purger l’estomac. Enfin, l’abbesse rejoint encore le savant bénédictin quand elle conseille l’absinthe en cas de mal de tête, les racines d’iris imprégnées de vin contre les calculs ou la sauge sclarée contre les douleurs d’estomac.

Si Hildegarde a été saluée dès le début de ce siècle comme la “première naturaliste”, voire comme la première “femme‐médecin” d’Allemagne, c’est entre autres à cause de ses observations sur les plantes, dont la justesse s’est vue souvent confirmée par la pharmacologie actuelle.

(A suivre)

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